PARADOXES éCOLOGIQUES : LES MEILLEURS CHOIX à FAIRE POUR CONSOMMER VRAIMENT RESPONSABLE

Coincé entre l’urgence écologique et les sirènes du marketing, voire du "greenwashing", le consommateur engagé ne sait plus à quel saint se vouer pour consommer responsable. Zoom sur quelques paradoxes écologiques.

L’enfer écologique est pavé de bonnes intentions. "L’analyse complète du cycle de vie d’un produit ou d’un service révèle en effet beaucoup d’idées reçues sur leur réel caractère "vert"", explique Pierre Rouvière, ingénieur en écoconception et auteur du livre Écolo, mon cul ! (éd. Eyrolles, 2023). On opte pour une liseuse, fier de limiter ainsi le gaspillage de papier, sans savoir qu’il faut dévorer au moins 50 livres au format numérique pour compenser les émissions carbone de sa fabrication. On ajoute quelques gouttes d’huiles essentielles à nos nettoyants ménagers faits maison en ignorant les quantités prodigieuses de matières premières utilisées (au moins 3 tonnes de pétales de rose pour obtenir 1 litre d’huile essentielle). Comment s’y retrouver ? "Hélas, il n’existe pas de solution magique ! Le plus souvent, les choix vont varier en fonction de la durée de vie du produit ou la fréquence de son utilisation. Ce qu’il faut, c’est aiguiser notre esprit critique", explique Pierre Rouvière dont l’ouvrage ne se veut pas un guide des écogestes mais plutôt un appel à la vigilance face au "greenwashing" des marques (qui utilisent des arguments écologiques souvent trompeurs pour améliorer leur image). "Une chose est sûre, une démarche de réduction de nos impacts doit forcément s’assortir d’un peu de sobriété", poursuit-il. D’autant que nombre d’innovations, offrant un gain en énergie ou en ressources, ont malheureusement conduit à une hausse de la consommation. Ainsi les économiques lampes à LED ont engendré une explosion des ventes d’ampoules ou l’augmentation des performances énergétiques des voitures n’a pas engendré une baisse de la demande de carburants. Pour consommer en conscience, voici quelques pistes.

Trottinette électrique en libre-service ou transports en commun ?

Production et chargement des batteries, faible durée de vie (une étude de 2019 a estimé la durée de vie moyenne des engins partagés de Louisville, aux États-Unis, à vingt-huit jours !)… Les premières générations de trottinettes en libre-service dépassaient les 100 grammes de CO2 par kilomètre, trois fois plus qu’un vélo personnel. Si, depuis, elles ont fait beaucoup de progrès, un mémoire du Laboratoire aménagement, économie, transports de Lyon (Rhône) indique que loin de se substituer à la voiture (1 % des cas) et de désengorger les rues, la trottinette partagée se substitue dans les faits à la marche (43 %) et aux transports en commun (38 %). Raté !

La bonne idée : investir dans son propre engin ou, mieux, dans un vélo.

Ticket imprimé ou ticket dématérialisé ?

Dans le cadre de la lutte contre le gaspillage, l’impression automatique du ticket de caisse sera supprimée au 1er août 2023. Nombre de commerçants proposent d’ores et déjà son envoi par e-mail. Une bonne idée ? Le bénéfice est encore une fois ambigu car la suppression du ticket économise de l’eau et du papier mais, selon Frédéric Bordage, spécialiste dans l’écoconception des services numériques, un ticket dématérialisé représente 5 grammes de gaz à effet de serre contre 2 pour la version papier.

La bonne idée : supprimer le ticket envoyé par e-mail (un mail stocké engendre 10 grammes de CO2 par an).

Tomate locale ou tomate marocaine ?

La logique voudrait qu’un produit local soit forcément plus vertueux que sa version en provenance de l’étranger. "On simplifie, à tort, le cycle de vie à sa distribution, à la distance parcourue par le produit. Or le poids de la production même est souvent bien supérieur", explique Pierre Rouvière. La culture de tomates (mais aussi de concombres ou de fraises) en hiver implique, en France, l’utilisation de serres chauffées, le plus souvent au gaz. À l’arrivée, une tomate importée du Maroc nécessite trois fois moins d’énergie qu’une tomate française hors saison ! … mais génère un stress hydrique fort (il faut plus de 12 litres d’eau par tomate) dans un pays qui manque d’eau.

La bonne idée : manger des produits de saison ! Selon le site de service public impactco2.fr, 1 kilo de tomates de chez nous, cultivé entre mai et septembre, n’engendre que 0,5 kilo de CO2.

Gourde ou bouteille en plastique ?

En France plus de 40 % des bouteilles en plastique ne sont pas recyclées, soit plus de 12 millions d'unités qui partent chaque jour à la poubelle ou, pire, dans la nature. Opter pour une gourde est donc sans conteste une bonne idée. À condition toutefois de ne pas en acheter plusieurs. "La production d’une gourde en verre, en métal ou en plastique nécessite beaucoup d’énergie, il faut donc du temps pour la rentabiliser, souligne Pierre Rouvière. Et les impacts sont encore plus importants pour celles en inox, dont le raffinage engendre beaucoup de pollution." Le journaliste Lucas Scaltritti, dans la série de podcasts "Y’a le feu au lac", estime qu’il faut au minimum trois ans d’utilisation pour compenser la fabrication d’une gourde en inox, contre cinq mois pour une en plastique et deux mois pour un contenant en verre.

La bonne idée : recycler les bouteilles en plastique, même celles trouvées sur la voie publique, et utiliser sa gourde le plus longtemps possible. Le nettoyage régulier au vinaigre blanc évite les mauvaises odeurs.

Voiture électrique ou voiture thermique ?

Les véhicules électriques émettent moins de gaz à effet de serre mais le surcoût écologique (dû notamment à la fabrication des batteries) de leur production peut diminuer leur intérêt. "Le nombre de kilomètres à effectuer pour compenser va dépendre des modèles et de vos besoins, explique Pierre Rouvière. Le point de bascule est atteint dès 40 000 kilomètres au compteur pour les modèles les plus légers, mais croît rapidement avec le poids des voitures." Ainsi, le Hummer électrique, qui a enthousiasmé le président Joe Biden en 2021, pèse autant que sept Renault 4L ! De même, la double motorisation des hybrides rechargeables (8,5 % des ventes françaises en 2021) alourdit le véhicule de 600 kilos en moyenne.

La bonne idée : augmenter la durée de vie de son véhicule et comparer les modèles avant d’investir, sur climobil.connecting-project.lu.

Tote bag ou sac plastique ?

"C’est le produit exemplaire en matière d’effet rebond", regrette Pierre Rouvière. Conçus pour remplacer les poches en plastique, ces sacs en coton sont devenus des objets de communication, délivrés par dizaines, que l’on utilise souvent très peu. Selon l’Agence britannique pour l'environnement, il faudrait au moins 131 utilisations pour obtenir un avantage en matière de gaz à effets de serre. Et c’est sans compter les quantités d’eau et les pesticides nécessaires à la pousse du coton. D'après l’Agence danoise de protection de l’environnement estime, on passe alors à plus de 7 000 utilisations !

La bonne idée : "Il faut, comme on l’a fait pour les plastiques, prendre l’habitude de refuser de prendre de nouveaux tote bags", explique Florence Clément "et utiliser ceux qui dorment dans nos placards".

Regarder en streaming ou acheter un DVD

Contrairement aux idées reçues, le streaming ne gagne pas forcément la course environnementale face au DVD. Bien qu’il faille le fabriquer et l’acheminer, le DVD ou le Blu-ray génère trois fois moins de CO2 dans le cas (rare, il est vrai) où le spectateur va le louer, à pied, à la vidéothèque. Et il l'emporte haut la main sur le streaming dès que le film est regardé plusieurs fois. En effet, le stockage en ligne de millions de vidéos (en matière de données, la trilogie du Seigneur des anneaux en haute définition pèse autant que l’intégralité du texte de Wikipédia) est gourmand en énergie. L’Ademe, dans un rapport de novembre 2022, estime ainsi que sept heures de vidéo streamées en HD et en 4G équivalent, en bilan carbone, à 133 kilomètres en voiture ! Chiffre qui tombe à 20 kilomètres pour une vidéo en basse définition et en wi-fi.

La bonne idée : télécharger et regarder les vidéos en basse définition (le téléchargement consomme moins que le streaming) ; conserver vos films préférés sur un support physique.

Attention à l’éclairage de jardin

Si les LED présentent un avantage indéniable en matière de consommation électrique (80 % de moins qu’une ampoule classique), leur utilisation dans l’éclairage public ainsi que dans nos jardins nuit à la biodiversité. Selon une étude britannique publiée en 2022 dans Science Advances, la pollution lumineuse des LED est plus destructrice pour les insectes et les papillons de nuit que les ampoules standards. La lumière bleue qu’elles émettent les attire encore plus et réduit leur capacité de reproduction. Un éclairage de jardin doit donc être intermittent et limité au maximum.

Pollution numérique ? Elle a bon dos la consommation !

"On parle beaucoup de la consommation électrique des centres de données et des appareils alors que le gros des coûts environnementaux repose sur la fabrication et le transport des terminaux, comme les téléphones, les ordinateurs ou les box Internet, explique Florence Clément, responsable de l’information grand public à l’Ademe. Il faut par exemple extraire 285 kilos de matières premières pour produire un ordinateur de 3 ou 4 kilos !" Les appareils électroniques représentent ainsi près de 80 % des impacts liés (énergie, déchets, écotoxicité…) aux équipements et infrastructures numériques. "Or, rien qu’en France, 113 millions de téléphones dorment dans nos tiroirs, alors qu’ils pourraient être recyclés", poursuit-elle. Donnez donc une seconde vie à vos appareils sur ecosystem.eco.

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